Ce qui n’est jamais dit entre hommes et femmes ? (5)

Publié le par imagiter.over-blog.com

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A l'à pic des écrasants gratte-ciel, masques aveugles de verre, aplombs silencieux de béton, ou toboggans vertigineux d'acier, qui font sauter de la tête son centre de gravité lorsque tout appui est ôté soudain à la nuque ; perspectives hallucinatoires dont la hauteur même fait perdre aux yeux la notion des angles, jusqu'à ce que l'effleurement si léger de l'ombre rétrécisse toutes les rues à n'être que fêlures irréelles-plus rapetissés encore, s'agitaient deux tout petits points diminués de noir.

- Je ne veux plus te voir ! se vêtait Doll de son dédain.

- Mais je t'ai tout donné. Jusqu'à tout perdre, surmonta Bill, dont la veste élimée ou la chemise trop portée représentaient, pour l'heure, toutes ses "affaires".

 

- J'ai d'autres projets maintenant, s'estompait déjà Doll.

- Tu ne peux pas me faire ça. Pas aujourd'hui. Laisse-moi une dernière chance au moins Dollie.

- Never give a sucker an even break ! se dit Doll ; il faut absolument que j'y aille, sorry éluda-t-elle en tournant les talons.

- Je te retrouverai, la poursuivit Bill de sa voix, tu ne peux pas me laisser tomber !  je t'aime moi, je t'aime !

 

Pesamment il se mit à marcher, comme s'il avait toujours erré. Dépassant les trop grands panneaux publicitaires qui gardent les nouveaux immeubles de la 42éme, qu'aussi surveillent les "lobbies", ces sas tapes à l'œil des autobus qui séparent de l'extérieur et interdisent de savoir ce qui se passe à l'intérieur. Chaque particularité sera une particule perdue dans l'atomisme de New York !

 

Cette ville qui ne s'est pas cherché, pas trouvé de centre. Ne s'est offert que des performances symboliques, ésotériques, les gratte-ciel, qui occupent la conurbation sans y jouer le moindre rôle de dynamiseurs, d'animateurs de la vie collective. Chaque gratte-ciel après l'autre n'y a été conçu que comme un tout centré sur lui-même, une parure de la fureur narcissique, introvertie  ; et non une tentative de reconnaître, puis de s'affilier à un dehors, un extérieur. Hors dedans pas de salut ne viendra de dehors !

 

Tel il a été voulu ; des rues tracées en damier, chiffrées, sans personnalité affectueuse, sinon monétaire, qui ne joignent rien si ce n'est une forêt de projections verticales, fuyant moins et retombant, retombant plus, dispersant le pouvoir comme le pied dans une fourmilière-de toute leur hauteur nous méprisant au son du pouvoir il est dedans, délimitant les ghettos-les ghettos c'est tout ce qui est dehors, vidé, expulsé du dedans-comme s'ils craignaient tout centre de pensée. Pensée ? NOUS gratte-ciel on a tout gratté. Tout gratté jusqu'au sommet. De nous tombe l'ignorance définitive de tout ce qui n'est pas à l'intérieur de nous. On vous jette juste ces rues transitoires entre les introversions désormais obligatoires. Au secours ! Faut quand même se replier. Se replier sur soi-même. Hors de nous même nous mettrait en dehors !

 

Sauf, peut-être, cette 42éme qui coupe la mégalo dans le sens de la largeur, d'une rivière à l'autre, "joignant", rejoignant ce qui échappe au symbolisme mortifère par ce qui coule de source (car enfin toute pyramide n'est qu'un tombeau). bill y traînait ses pumps essoufflées, comme sa Doll toujours recherchée.  

 

Doll déjà installée près de la piscine à instiller ou distiller les vagues toujours recommencées de sa consommation détendue. Doll n'a besoin de rien puisqu'elle a besoin de tout. Mais qu'est-ce que ce jardin qui n'est qu'une pelouse saupoudrée de quelques arbres en kit ? Son jacuzzi, par exemple, c'est en arnaquant une fois de plus un homme qu'elle l'a eu. Elle devrait y être bien. Non elle s'ennuie ! Pourquoi ? Doll n'a aucun but : aucun autre but que d'éplucher les hommes comme des oignons, évidemment il y a quelques larmes. Mais ce ne sont que des irritations. Tout s'irrite d'ailleurs ! Il lui faut ranger les objets pour la langueur de ses membres, même le Betamax. Il lui faut classer les êtres : c'est là la classe, il faut les classer l'air de rien : c'est la lutte de classe qui s'ignore. Vu ce qu'on leur refile en classe ! Les livres n'y sont que des banques, des pages de billets de banque. Seule compte la couverture au royaume où uniquement les "succès stories" importent  (quoi d'ailleurs ? qu'importe ! n'importe-où c'est pareil ?) Seul le succès motive : nothing succeeds like success. Sans jamais lasser. Alors pourquoi Doll se sent-elle si souvent lasse ? Il faut qu'elle ait des histoires : aligner les arnaques légales de mecs qu'on appelle divorces aux U.S.A. est un succès, des histoires à raconter, à montrer. Mon jacuzzi et mon jardin d'hiver c'est mon deuxième... Etc... Il faut aligner ses possessions style mon psy, mes boys friends, mes cartes de crédits, mes téléphones... Etc.. Il s'agit d'aligner ses expériences, quelques back rooms, quelques rails, quelque voyou ! you ?... Etc...

 

Il faut les aligner ses références : avoir l'étiquette de l'étiquette, la griffe qui a lacéré le coeur aussi, la bonne marque et à vos marques ! prêtes ! la course stupide à l'inutile luxe ? est-ce que je "porte" ce qu'il faut (en plus il faut porter !) ? C'est qu'il faut toujours plus ranger son être selon la basse musique j'ai, j'ai, j'ai. Je suis serpent bronzé nippé Fiorucci et prêt à tout prendre sans apprendre !

 

Tout cela et encore cela tout. Mais surtout que ce ne soit pas, non pas, détruite cette porcelaine par le museau de la réalité qui pointe ! Pas de reproches, de chapitres à chapitrer, faut pas râler, pas de réprimandes, pas montrer de remontrances, faut pas me cahoter, pas de critiques, pas de querelles, faut pas me secouer, me bousculer, faut jamais m'engueuler. Tout le reste est supportable, mais jamais la critique.

"Mind your mind !" lui répétait Tin, dernier humain à frôler sa vie. Mais AUCUN mot n'a de sens, ne veut rien dire pour qui dire est rien ! Seule compte la liasse de dollars, pour Doll. Pour trouver cette autarcie, si chère aux romains : ne dépendre ni des êtres ni des choses ! Le hiatus c'est qu'il ne vaut mieux pas le pratiquer à l'envers !

 

Comment se dépendre des choses quand il y a tant de nœuds coulants ?

 

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Publié dans sentez la santé

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