L'air pur ?

Publié le par imagiter.over-blog.com

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Dolphy se sentait si pur, l'air pur, et si libre, l'air libre, qu'il ne désirait ni avoir raison, ni tarir les conversations des autres, ni les mettre au garde à vous: voler l'extrayait de tant de formes dépassées, de cadres de pensées superflus, d'archétypes sans arguments, de pesants préjugés. La légèreté incarne un état mental, tout plein de gravité et d'attention aux autres: c'est vous qui êtes devenu moins pesant. Songez à toutes ces vies engouffrées, ligotées dans la geôle et le compartiment du passé, et qui n'existeront vraiment que dans de si brefs moments de leur vie actuelle. "Voler" ressemble à une conquête, mais si Dolphy se sentait conquérant ce l'était du paisible, de l'immensité, et de l'épanouissement.

 

Passer son existence à savourer, à apprécier le précieux, à jouir d'ouïr, à trouver la posture de contempler semblent dix mille plus "réaliste" que toute autre attitude. Devenir un morceau du paysage, le déguster, sentir les sucs circulant en vous, vibrer aux "événements" de l'univers s'avèrent  cent mille fois plus abondant que toute autre comportement. Pouvoir tout juxtaposer sans rien piétiner (ces furieuses compulsions qui ont mué toutes discussions médiatiques en pilonnages ennuyants où parler devient écraser l'autre avec le sous-entendu que votre parole a effacé la sienne: ce qui forme l'inverse de la Raison, ce ne peut représenter aucun argument solide, et tout le monde sait que ces simagrées ne valent rien et ne sont que "des coups pour rien" – mais, pendant ce temps aucune conversation d'intelligence et de sensualité ne peut "passer"!).

 

Un monde nouveau demeure infiniment présent, mais sur le mode du "réalisme tous azimuts", cette soumission triomphale (oxymore possible!) aux lois du réels, se refuse à vivre avec "l'argent des autres" ou à ne faire que les manipuler pour ne rester qu'à la surface de tout. Ce qui ne lui offre pas la posture "imagée" du "vainqueur binaire". Pourtant si vous vous en approchez assez près sa puissance diffusante sur vos sens dévale tellement que sa force de "conviction" dépasse tout ce que vous avez vécu. Vous vivez, enfin, com-prendre, cette préhension, tout votre corps tel un bras directionnel qui saisit l'exact besoin sans nuire au biotope qui l'a couvé.

 

Prendre avec soi, à l'intérieur de soi, symbioses et genèses, unions des soi-disant opposés (une différence n'est pas une guerre agressive mais la seule possibilité pour la vie de continuer). Com-prendre comme la réalisation de l'intelligence qui sensualise à fond tous les corps.

 

Comme un vêtement qui ne lui convenait pas, on ne lui avait jamais demandé son avis ni son approbation, Dolphy se débarrassait en vol des oripeaux si lourds, si encombrants et si peu respectueux de la pression sociale. Tout son corps à nu, à vif, comme neuf, ouvert de partout, "rafraîchi" comme après une coupe de cheveux – dégagé du corset gluant et immobilisant qui s'y était déposé. "A fleur de peau", chacun de ses pores calices buvant les nectars (ces goûts persistants qui, par à coups, deviennent des pensées odorantes!), soliloquait Dolphy. Vivre le langage immensément sensuel, puisque porteur de sens. Mais isotropiquement: soit sensé, combien plus de "réalisme" dans les mots que dans dire qu'ils ne seraient rien.

 

Ce n'est pas du tout ce que le sens sensible et le sens sensitif vivent lorsque qu'ils "savent" que chaque mot contient un ensemble de nectars et de nombreuses manières de les savourer. L'expérience supplante toujours les "dénis du réel" que sont les préjugés. Le sens sensationnel (des sensations) "réalise", lui, (pige et effectue) à quel point le sens sensuel est sensé (raisonnable, rationnel, posé, pondéré – bref très sérieux et conséquent!). Chacune des fleurs de la peau de Dolphy déglutissait le vernis de l'air raffiné des poussières du sol. Une fraîcheur irremplaçable.

 

"Voler" vous transporte bien plus que vous ne pouviez imaginer. Aucun des mots n'amoindrit, ne dissimule ou ne déforme ce voyage. Voyage qui déplace ( dépose derrière lui tout le déplacé) et transporte (submerge de reconnaissance sensuelle votre intelligence enfin "centrée"). Dolphy se sentait épuré, raffiné, allégé, trié, rajusté,  déchargé, adouci, massé, respecté. A partir du moment où chaque être ne peut que multiplier les bénéfices de tous les autres les malsaines adorations pour les objets se métamorphosent en calmées visions d'autrui. Autrui ne peut que m'apporter ses suppléments.

 

Le fait qu'il ait autant pollué les autres, représenté leurs nuisances, rendu désagréable toute relation humaine – provenait de la seule organisation sociale, du poids de ses structures dénaturant tous les rapports sociaux. Aujourd'hui que sautent aux yeux ses manques, de sensualités, d'intelligences et d'humanités: plus rien n'y semble attrayant ou attirant ; d'autant plus qu'elle se barricade contre tout changement et tout futur en suante posture de suicide. Aucun pincement au cœur à quitter ce saumâtre cachot.

 

Parfois, il devient inutile de changer de système, le quitter

 comme un vêtement inadapté suffit…

 

( à suivre)

 

 

 

Publié dans Croque tes crocos

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