L’ORIGINE

Publié le par imagiter.over-blog.com

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Connaissez-vous le fait que vous connaissiez ? D'où vient votre connaissance ? Et comment ce serait si vous n'aviez plus cette connaissance ?

Impossible ! vous élancez vous ? Et, pourtant, le texte qui suit vous raconte une histoire profondément enfouie en vous. Écoutez-là !

 

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   Sur la terre aquatique, pétrie de marécages, l'eau et la terre, la nuit et le jour, étaient mêlés dans une noce de pétillements électriques...

L'explosion qui créait la Terre venait d'avoir lieu et, pendant que reposait le magma de terre et d'eau encore secoués de spasmes brûlants, montaient, dans les ténèbres et le poids de l'atmosphère, de lentes vapeurs phosphorescentes...

Longtemps..

Ô longtemps, longtemps après, le soleil éclata la coquille des brumes électriques et gazeuses...L'œuf de la vie était brisé...

Mais là - Là !- tout flambant des profondeurs, flottaient les deux moitiés d'un nid d'algues bleues.

Une lumière descendait comme une fraîcheur. Devenait végétation courant, s'entrelaçant aux formes qui se dégageaient déjà de l'eau opaque… comme des nids.

Les contractions de l'eau ouvraient les formes jusque dans leur cœur. L'une de l'autre, les formes étaient dépeignées, démêlées par les doigts de lumière...Ainsi naquirent l'homme et la femme ...De l'épaisseur qui leur fut commune...

Mais sous la lumière, la blessure de la séparation de leurs corps clos d'avec l'illimité extérieur qui les créa, rougeoyait implacable...sauf pour eux...

Accroupis, la femme et l'homme regardaient le limon de leurs origines. Il y avait déjà un univers dans l'humble idée qu'ils étaient vivants... Dans ce LOISIR total en cet état primitif où la forme du corps ne faisait qu'un avec lui, nous avait, déjà, explicité Joë Bousquet.. Où tout le corps s'enroulait autour d'un regard comme s'il allait jaillir des yeux. Ou bien les anémones ondoyantes tressées au fond des yeux semblaient aspirer la vision ruisselante...Tout roulait en flot dans ce corps transparent, comme un main ouverte, comme une poignée fermée, sur la totalité de ce qu'il pouvait retenir...Il respirait les ondulations de ses chairs qui giclaient, glissaient , se dénouaient, se déroulaient, détachant de nouvelles bulles, de nouvelles alvéoles que venaient chatouiller, épouser les nectars ambiants...La lumière bourdonnait à toutes les charnières polies entre les pluies bouclées, autour des frémissements que salivaient les arbres devant les balancements bleus...Les parfums relançaient leurs sillages. Épaississaient l'espace entre les choses d'un courant si dense, si dansant, que tout semblait être retourné comme un gant, avant que de s'envelopper ,d'un frisson dans la forme qu'elles tendaient tout en elles-mêmes...L'homme et la femme sentaient leurs corps se dévider, se dérouler puis suivre les virages de leurs sens au tambour de l'identique mouvement qui se répétait en tout...Ils étaient du même ballet. La vie qui les habitait se tapissait de la vie qu'ils habitaient...Comme les marées de la Terre répondent aux courants de l'eau, rien n'arrête le cours des sens palpitants de la tête aux pieds. Les yeux vivaient comme des mains, les mains comme des narines, les oreilles comme des bouches, les bouches comme des poissons...Et l'huile de cette cuisine faisait tourner les poulies de leur corps, le retenait du filet des cheveux brumeux - pour rebrasser, pétrir un nouveau caressant festin...Un neuf sommet que les choses se mettaient à découvrir, en raréfiant leur matière, dans l'invention de leur complétude la plus courante...Oui la femme et l'homme regardaient le limon de leur origine...Leurs yeux comme la lumière qui ne jouissait d'elle même qu'en se mêlant, s'immiscent à ce qu'elle illuminait. Nos yeux resteraient le cœur de nos origines pour leur éternité…

     Mais les sons gutturaux que l'homme et la femme éructaient dans les ténèbres avaient ouvert entre eux - une autre blessure plus profonde que leur corps. Deux moitiés d'un même nid, leurs respirations mêlées dans l'eau d'un seul et même miroir, puis démêlées jusqu'aux racines de leurs souffles…les sons qu'ils grondaient ne brillaient plus que comme le scintillement de la vie souterraine…La lumière ne les avait pas traversé…Ô le son boueux des mots…et si nos mots ne sont plus que brumes en ténèbres, nos corps resteront la trace de ce qu'il nous reste à faire…

        Les yeux sont des têtes d'oiseaux

        Et mon corps voudrait suivre cet envol double

         mais reste figé dans la pesanteur de la chair

         Jusqu'à ce qu'y remonte ses odeurs

         son passé déchiqueté de mer

         qu'il s'ébroue s'ouvrant à l'air du soleil

Comme je voudrais sortir du ventre de la Terre.

Et, dans cet effort, l'homme se tendit tel un arbre. Hissé sur ses racines, il aspira l'infini de l'air - secoua sa tête pour qu'elle se déploie comme un arbre - où ses yeux se posèrent comme oiseaux…L'œil devient l'oubli de la lise des origines. Cette eau quittée, le corps fut attiré de tous ses poils vers le soleil. L'homme courait vers sa vie, le centre de sa  vie : le soleil…Pour que le son soit le pollen suspendu de la vie, pour lui faire suivre la carte entière du corps, de tous ses ruisselets, rivières, fleuves, de ses côtes ôtées…Pour qu'il demeure mémoire et moires et s'incurve et jaillisse avec autant de dimensions que la vie - ne fallait-il pas l'arracher, le son, à la gangue des ténèbres de sa vie souterraine ?…Le soleil y courait ! Le soleil ! Un trou blanc qui tourne de plus en plus vite dans le nacre de sa force - aspirait, suçait les yeux de l'homme, potier de sécheresse - lui boutonnait le dos, éteignait l'œil ivre d'arbre, l'œil lacustre et volcanique qu'on appelle le troisième œil. La troisième oreille, de même, s'était flétrie et faisait glisser toute la fermeture éclair de la tête…L'homme ne pouvait revenir à lui-même…La blessure de la séparation de son corps clos d'avec l'illimité extérieur qui le crée rougeoyait implacable…

     L'homme naîtrait, désormais, de ce qu'il créerait. Alors , il revint vers la femme toujours accroupie…Il vit en cette eau mobile et profondément obscure l'écho d'une image la plus proche de sa vie… Dans ses poils, il savait les racines qui les enfonçaient dans les profondeurs qui leur furent communes….Les pulpeuses contractions de l'eau lui frôlaient de nouveau la peau. L'homme voulut retrouver le fourreau de son origine…

Partout ce n'était que soleil triomphant et la femme se refermait sur la nuit de son ventre...Le corps clos à la lumière, la femme protégeait dans son ventre, les lenteurs végétatives qui l'avaient conçue…

      L'agile argile qui m'a créée est dans mon ventre

      Je resterai toujours créée !!!

      Et dans la houle maritime de toute chose qui se fond dans toute chose

       J'apprendrai les secrets de l'origine - je donnerai la vie !

L'homme voulut retrouver cette profondeur de la vie, ces ténèbres terrestres lui semblaient caresses face au supplice du soleil. L'homme tomba dans le ventre de la femme : il se vouait à naître d'elle…

Le ventre lourd d'un océan, le femme accepta l'homme fort de son ventre d'arbre…Et les ténèbres recouvrirent l'origine…La lumière devient le temps…Plus que les mots comme "passeurs"…Il y eu même un passé et un avenir, de quoi recouvrir la présence légère du présent, de cette lourde chape…

     Mais c'est là - Là ! - au cœur de la vie, que les mots que la femme et l'homme se disaient restent un silence…Et ne peuvent faire tinter du comment au pourquoi  - si le mythe voit la femme sortir de l'homme, en être issue, la réalité fait sortir l'homme de la femme, naître d'elle. La parole est l'origine de l'homme. Et la femme naquit de l'image…Pèse ces mots avant de connaître le poids de ce qu'il reste à dire… Car du silence qui pesait sur la Parole et l'Image, la vie s'appauvrissait à l'infini…Notre façon toute personnelle de vivre l'origine demeure, ainsi, complètement autobiographique. Elle nous décrit beaucoup plus que nous ne l'entrevoyons, tous nos choix s'y sont donné rendez vous. Formant, dans la discrétion, un des piliers de notre connaissance du monde, l'expérience de l'origine demeure incontournable. Ce qui veut dire que chaque élément qu'elle nous apporte risque d'être une découverte. L'étymologie de ce mot vibre-t-elle du côté de telles découvertes ?

 

( à suivre)

 

 

trouvez un complément à cette réflexion sur le site internet à but non lucratif freethewords.org,   onglet 1  "Les mamelles du repos" et  "Remue- ménage",  onglet 2 « L’ardeur sociale » et  "Présent !", onglet 4  "Nul n'est nul" ou, encore,  "Je ne parle plus à qui a raison".

Publié dans littératures

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Commenter cet article
M
<br /> Sûr, nos corps se souviennent d’une "Origine",<br /> vibration de la matière, et c’est "lumière". Sans commencement, ni fin, le jaillissement.<br /> <br /> <br /> Les corps sont tous ensembles, c’est en esprit que<br /> nous sommes séparés. Cette séparation dont parlait Krishnamurti : le penseur qui ignore qu’il est sa pensée…<br /> <br /> <br /> Merci.<br />
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I
<br /> <br /> si nous vivons l'origine nous avons trouvé le moyen de se regénérer. Essayer c gagner. inctoyable que si peu le ressente...<br /> <br /> <br /> <br />