PAYSAGES EN UN CLIC : marécages (2/2)

Publié le par imagiter.over-blog.com

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Cette même chair demeure le moule interne dont nous devons nous arracher, quitte à porter tous les marécages comme écharpes autour du cou, quitte à traîner tous les marais comme un lourd manteau à nos basques. La tapisserie de la pâtisserie intérieure. Cette même chair est à retourner et voir les cloques limoneuses, corroyées par la fièvre, brûlées, desquamées, meurtries, salies, encrassées, rayées par tout notre monde extérieur. Cette chair à traiter amoureusement, fémininement. La femme est à l'intérieur de notre corps.

 

Et, enfant, je me serre contre moi, fais glisser en douceur mes peaux sur les organes d'elles-mêmes. S'aimer comme soi-même. Cette peau fragile, rétractile, dès qu'on la touche, enfermée surelle-même : est l'intérieur de nos corps. Panser cette si douce peau interne dans une caresse si fraîche, qu'après son passage toutes les plaies s'évaporent. Avec ses pailles révulsées, avec ses muqueuses couronnées de douce crème, l'homme exHALA le son comme s'il voyait le marécage lunaire. Ce cri des glandes creva la surface moelleuse du marias mal tonné. L'épaisseur sans assises de cette eau morte, où tout est enfoui, devenait le pouls profond et affolé du marais, le cœur à longs traits bu comme un abreuvoir. Et le cri a résonné oui résonné. Et tu raisonnes enfin.

 

7) Dans ce bourbier où rien ne peut rebondir, où tout s'enfonce dans cette souple glue, dans ce mouvant filet, où défile tout ce qui n'est pas réfléchi, où rien n'est échec. Tout vient s'y refondre. Cette profondeur des gouffres à ras de peau. La main éclose s'approche comme une poignée de racines, tâtonne. Pour cette gigantesque respiration. Cette réessencification. Cette resonisation. Cette révision. Cette retouche. Pour que le silence s'élance du nœud même où il naquit. Que le film et le son du monde soient effacés de leurs bandes motrices, de leurs matrices, que tout y recommence. Pour que les mots ne soient jamais USES.

 

8) Retires-tu un pied du limon que, déjà, l'eau brunie, salive noire du marais, monte en tournant dans le trou abandonné. Et bientôt de ce trou nulle trace. Nos pas ne s'arrachent plus que par des succions dressées ardentes du limon. La peau à l'intérieur des ventres se hérisse en algues. Tandis que les rivières crémeuses des poumons s'engluent à la mousse boueuse du sol qui semble le seul "évident" par rapport à cette planète tournant sa mayonnaise dans l'espace. Où peut être la terre MEUBLE dans ce mouvement? Où peut donc être la terre qui meuble nos mouvements? Et s'il n'en restait, justement, qu'à en dé-coller. Nos atomes toupient comme des astres dans la pâte marécageuse qui nous tasse au bout des ventres, au fond du ressort dernier des poumons, au bout des veines, aux carrefours des muscles où les os articulent la moelle, elle, et que l'arbre d'électricité des nerfs imprime cette molle cire vierge - des grappes de peau de raisins enrobés de soleil, des myriades de transparentes, des villes entières de glandes déployées. Tout ce qui cascade, ricoche, pompe, déglutit, expire, halète, aspire, glougloute. Toutes forces englougloutissantes.

 

Le sang comme une cloche sonne. Tout le corps est tendu à craquer. Chaque fibre participe jusqu'au bout de sa vie. L'acte de parole est le plus entier de tous. Il accule tout le corps en ses rouages roués. Il t'en-fonce en toi-même (et tout devient clair!) jusqu'au ressort ultime, l'axe rotatif où tout le paquet de ta vie tend sa dernière puissance, pour puiser encore, faire basculer les auvents qui retambourinent la locomotive en sa respiration pistonnée. Les canaux métalliques des nerfs s'embêtent, s'arc-boutent, girent, circulés par la pâle dans des pales de la lune aquatique. Sentant se gonfler un nœud d'énergie en toi, tu tentes de t'arracher, gorge nouée, à l'empreinte visqueuse. Limon, lis mon acte. Comme les tuyaux mous du marais, la parole fera se retourner la peau comme un gant, elle sera lavée, nettoyée, purifiée, rafraîchie, toute la peau enveloppante de nos marais intérieurs. Dont le marécage reste l'image la plus proche.

 

Comme des mottes arrachées avec leurs bouquets de veines, comme des arbres coupés en deux avec leurs alvéoles pulmonaires, comme l'écume du marais tranché avec les entrailles à l'air. Tout le corps retourné sous tes yeux. Une brise  de ronces dans l'épineuse lumière bourdonnait d'insectes métalliques sur la boue ébouriffée. Les phalanges des roseaux craquent. Leurs cheveux comme des flammes soyeuses crépitent. Soudain les pousses sont dégainées sur les râles d'eau. Des touffes d'herbe comme des balais sur la boue chauve, plantent comme des îlots sur la peau spongieuse du marais, hérissent leurs flèches d'épineux, leurs glaives de glaises lissant leurs aigrettes de javelots de végétation.

 

La cage des marées du marécage amarré, assoiffé, à en couper toute inspiration de tous ses suintants bancs, cette quatrième dimension des mots en leur matière ACHEVEE entre la rive de leur son et la rive de leur dessin, entre leur respiration retrouvée et leurs moelleux liquides. Le malléable marécage, ouvrant l'ouvrage de ta peau à ton son ébloui, t'avait rendu irrespirable jusqu'aux tubes métalliques de tes nerfs qui, en un ultime sursaut, t'arrachèrent de toutes tes forces à ton écrin, ton écran, de limon. Bon. Le gond du bond. Te voilà partout couru de la sève du fil des jours. L'air est aussi cristallin que l'eau. Et l'intérieur de ton corps épouse ce paysage tandis que le désert et le marais avaient feutré le sac de ta peau moelleuse de la moelle la plus interne de ton mec anisme, donc te voilà! Dus désert à ses halètements de l'allaitement jusqu'au marécage qui honore le sonore, dès tes oreilles et tes yeux, ta bouche et ta respiration ambiante, courant partout, de la peau interne des organes à cette respiration nettoyante, expulsante, quand le marais se déchire sous la faux de velours des battements d'ailes du désir - le souterrain est tout tracé, retrouvé dans ton corps aussi bien qu'en celui de la Terre. Voies-tu la voie ?

 

                          Une ambassade des embrassades.

 

Maraison en raisonne et sonne le son du marais. L'onctueuse peau aux reflets lactés de nos corps, de la Terre, n'est percée que des orifices de la vision, de l'audition, de la respiration et de la bouche (et cette toujours incroyable ANALYSE). Mais, depuis trop longtemps, ces orifices ne sont enrubannés que de parole. Le voyant voyelle les voyages vocaliques. Volcanique? Mais quand font irruption les éruptions des orifices.

                           

     Oui quand font éruption les volcans quand?

 

(à suivre)

 

 

Publié dans littératures

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